IRIMI 入り身 |
Irimi. Irimi s’écrit入り身. C’est un mot qui se compose du verbe « hairu » qui signifie entrer et du nom « mi » qui signifie corps ou chair. Le terme est donc on ne peut plus clair : littéralement cela veut dire « entrer dans le corps ». On expérimente correctement irimi en avançant vers l’autre, en ligne droite, sans chercher à esquiver quoi que ce soit. Jugée souvent comme agressive, cette notion ne l’est que dans la mesure où l’on envoie un atémi dans le mouvement. Si en revanche le pratiquant est déjà plus avancé dans sa recherche, il se rend compte que réaliser irimi nécessite d’intégrer d’autres notions, comme la gestion de la distance et du temps qui mène à la rencontre « Ma-aï » (間合い) et la rencontre elle-même « De-aï » (出会い), afin d’entrer au bon moment, c'est-à-dire à l’instant où le partenaire pense son attaque. Du coup, irimi se transforme en un mouvement qui entre pour annuler l’attaque et faire avorter dans l’œuf le geste du partenaire. Ce n’est donc plus une technique d’attaque agressive, mais une technique positive (dans tous les sens du terme) qui amène la paix sans violence. Dans irimi la notion de ligne droite est fondamentale. Les débutants ont un mal fou à respecter cette ligne droite, car elle est antinomique avec leir propre sécurité. En effet, le fait d’avancer tout droit est le meilleur moyen de se prendre l’attaque de uke en plein dans le corps. Mais il faut en passer par là pour plusieurs raisons. Tout d’abord pour respecter la consigne. Ensuite pour découvrir potentiellement le danger qui nous guette à se faire toucher. Se développe alors une sorte de sentiment fataliste (je me fais toucher, mais je dois quand même aller tout droit, je m’abandonne) qui mène au sens du sacrifice. Ce sens-là est important pour apprendre à s’oublier, mettre ses peurs de côté, ne plus penser à soi et être mentalement dégagé de ses craintes. Alors, et alors seulement, il est possible de progresser vers un stade où irimi est plus libre, plus spontané et sans pensées parasites. Du coup, irimi s’ouvre à toutes les notions qui permettent de transformer cette technique du stade combatif au stade pacifique, étant bien connu qu’il est plus difficile de faire la paix que de faire la guerre. Irimi et la ligne droite sont donc des fondamentaux pour évoluer dans sa pratique martiale. Comment comprendre alors tenkan (転換) ? Le premier caractère renvoie à la notion de tourner tandis que le second indique le fait d’intervertir, de remplacer. Tenkan est montré généralement comme une esquive. Les débutants interprètent physiquement cette technique comme une fuite et on les voit sortir largement sur le côté, se mettant du même coup en danger à cause d’une mauvaise gestion de la distance. Une distance trop grande permet à uke de réattaquer tori, alors qu’une distance plus courte rend plus difficile (mais pas impossible) une attaque efficace. Tenkan est une esquive. Cela signifie que c’est un choix conscient et travaillé et non pas une soumission inconsciente à l’autre par la fuite. Cela fait déjà toute la différence. Là encore, un tenkan réalisé trop tôt ne permet pas d’esquiver l’attaque, puisqu’il suffit pour l’attaquant de réorienter son geste vers la nouvelle position du partenaire. Tenkan est donc un travail qui porte à nouveau sur ma-aï et de-aï. L’explication classique qui consiste à dire que tenkan intervient lorsque l’on est en retard par rapport à l’attaque de uke est vraie que dans la mesure on est effectivement débordé par l’autre, où l’on ne gère pas la situation. C’est la pire condition pour faire tenkan, car elle ne retarde les problèmes que d’une seconde. En revanche, un tenkan où toutes les notions citées précédemment sont maîtrisées, revient à se déplacer calmement, avec justesse et lucidité. Cela se traduit pour l’attaquant par la sensation de passer au travers l’image de l’autre, sans pour autant le toucher. Pour l’observateur extérieur à la technique, cela se traduit par le sentiment que tori n’est jamais en retard, jamais pressé dans son déplacement et toujours correctement placé. Dans tenkan, la notion de contrôle du corps est encore plus importante que dans irimi. Pour irimi, on entre tout droit, cela ne nécessite pas beaucoup de neurones, juste un bon influx nerveux pour y arriver. En revanche pour tenkan, on esquive non seulement avec un déplacement de pied, mais aussi et avant tout de hanches, de buste, d’épaules, tout en faisant attention à sa tête. De plus, il faut pouvoir réaliser ce mouvement sans s’éloigner de uke, sinon on ne réalise pas d’union (Aï) avec lui pour réaliser une technique harmonieuse. Combativement parlant, le mouvement de tenkan joue sur un effet de spirale vers l’intérieur, un déplacement de soi vers soi. On peut alors clairement parler de mouvement yin, dans le sens où il ramène l’énergie vers soi. Si irimi perturbe uke, en revanche tenkan ne le fait pas puisqu’il laisse passer le mouvement. Cela ne signifie pas que tenkan soit le seul capable d’apporter l’harmonie. C’est une harmonie yin, alors que irimi propose une harmonie yang. Techniquement, irimi-tenkan se traduit par une avancée (yang) vers uke, puis un déplacement d’esquive (yin) qui entraîne ou absorbe uke. Bien souvent la technique ne s’arrête pas là (elle le pourrait, comme elle pourrait s’arrêter à n’importe quel stade de son développement), mais repart vers un mouvement yang qui projette uke ou qui le déstabilise, pour repartir sur un mouvement yin qui le maîtrise par une clé ou un contrôle contre soi. |